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30 avril 2008 3 30 /04 /avril /2008 15:16

Les cloches tintaient dans les oreilles du nain.

‘Si ça c’est pas les pires ennuis du monde…’

A l’abri sous un porche, Grimyn fit une moue de dépit. Les rues de Cariena se vidaient de toute leur substance, les habitants s’enfuyant vers leurs maisons ou vers l’auberge par peur de l’averse. Même s’ils devaient attendre plusieurs heures enfermés en plein après-midi, c’était toujours mieux que de se risquer sous le Fléau. Ils allaient jusqu’à barricader portes, fenêtres et cheminées, juste au cas où.

Jamais même ils ne permettraient à leurs amis ou famille d’entrer chez eux pour se protéger de l’averse une fois celle-ci sur la ville. Plutôt souffrir de la perte d’un être aimé que du virus.

‘Peut-être devrions-nous en faire autant et rester à l’auberge le temps que ça passe, Viktor ?

- C’est vrai que d’l’auberge, à trois rues d’ici, on verra bien si l’gamin sort tranquille et si y s’prend la flotte…

- Et si nous la prenons, nous ?

- Bah…’ le nain fit une pause ‘t’as qu’à y’aller. Moi j’reste pour le p’tit.’

La naine hésita une seconde.

‘Je croyais que tu ne l’aimais pas plus que ça ?

- Ouaip. Bah si y faut, j’le finirai à la hache, histoire qu’y r’commence plus. Mais pour l’moment, j’attends.’

Grymin sourit, noua un pan de tissus autour de son cou, le rabattit sur son front en guise de capuche, et choisit de rester avec son ami en s’enfonçant encore plus à l’abri sous le porche.

 

Il était là, sous ses yeux depuis quinze bonnes minutes, mais il n’y avait pas fait attention avant de se retrouver nez à nez avec ce qu’il avait vu le matin.

Dans un renfoncement du mur, comme il y en a tous les deux mètres environ, le contemplait de toute sa hauteur le portrait d’une femme, vêtue d’une longue tunique violette, la tête et une partie du visage recouverts par un voile. Seuls ses yeux étaient découverts, mais la peinture était bien trop abîmée pour permettre au voleur d’en voir ne serait-ce que la couleur. Sous ses pieds, et derrière elle, tout le décor n’était constitué que d’entrelacs calligraphiés et de symboles étranges rehaussés de dorures. Parsemés ça et là, à l’encre noire, quelques animaux exotiques représentés succinctement, tels d’autres symboles stylisés, finissaient de dominer l’étrangeté de la peinture. Rien qu’à la contempler, Roshynn sentait sa tête tourner.

Au milieu de ce capharnaüm d’images, un énorme symbole doré ornait la toge de la femme, au niveau de sa poitrine. Un S couché, aux deux extrémités semblant vouloir se rejoindre à travers la lettre. La même image que dans les textes liés au Livre des Révélations.

Sur une petite plaque de marbre noir, sous la peinture, était gravé un titre dans les rainures duquel de l’or pur avait ensuite été coulé, comme de coutume pour les portraits des Prestigieux : ‘Sil’Al’.

Une main se posa sur l’épaule de Roshynn.

‘J’espère pour vous que vous êtes perdu…’

 

Une pluie fine mais constante continuait de battre toits et pavés en Cariena. Yggturah regardait l’horizon par la fenêtre, appuyé par l’épaule contre le mur, et le regard perdu dans les limbes de ses interrogations.

‘Il est trop tard, ou trop tôt, pour se demander ce qui leur est arrivé, Ian. Pour le moment tu ne peux qu’attendre. Il ne sert à rien de te morfondre ainsi.’

Le guerrier tourna à peine le visage vers son interlocutrice, juste de quoi supporter sa phrase à venir d’un regard en coin lourd de sous-entendus et de dédain.

‘Et qu’es-tu pour savoir ce qu’il faut, ou faudrait, dire, faire ou penser ? Une Visionnaire ?

- …’

L’absence affichée de diplomatie et de considération de la part de son amant blessa profondément Dame Lys. Alors elle trouva qu’il faisait bien froid dans le salon, et qu’il était peut-être temps pour elle de souffler sur les braises de la discorde pour se réchauffer un peu.

 

 ‘Parce que si vous n’êtes pas perdu, il va falloir m’expliquer ce que vous faites ici jeune homme.’

Roshynn n’eu besoin que d’une seconde pour trouver ce qui lui semblait être une excuse plausible. Il broderait autour si l’homme s’avérait trop soupçonneux.

‘Je suis désolé, monsieur, je ne savais pas que c’était interdit par ici. J’étais, euh… juste venu au palais en espérant voir le Roi. En attendant je me suis promené dans le palais et, euh… je suis arrivé ici.’

Roshynn évitait de trop soutenir le regard de l’homme, il préférait donner l’illusion de la soumission pour paraître inoffensif.

L’homme tapota sur l’épaule du jeune homme. La grande manche évasée de ses atours carmins aux bordures d’or flottait au gré de ses mouvement saccadés. Sa voix était douce, suave, et plutôt agréable à l’oreille.

‘Je suis étonné qu’aucun garde ne vous ai empêché d’arriver jusqu’ici. L’intrusion de ce matin aurait du les rendre plus vigilants pourtant. Peut-être avez-vous été trop indiscret pour être malhonnête. Quoiqu’il en soit je vais devoir vous raccompagner à la sortie. Bien sûr, s’il pleut toujours, vous serez libre de rester à l’intérieur le temps que les rues de Cariena soient plus sûres.’ Roshynn hocha la tête.

L’homme fit une pause puis leva les yeux au ciel un court instant, enfin il les reposa sur l’intrus.

‘Mais j’y pense, vous vouliez apercevoir le Roi. Que diriez-vous de le rencontrer ?’

Dans les veines du jeune voleur, le sang ne fit qu’un tour. Rencontrer le Roi, Carien, voilà une opportunité rare, mais à double tranchant. D’un coté il aurait peut-être la possibilité de soutirer quelques informations, de l’autre il pouvait très bien s’agir d’un piège. Les rumeurs racontant que Carien se nourrit de la chair d’enfants et de jeunes humains pour prolonger sa vie pourraient très bien être fondées.

Malheureusement, un carienii voulant rencontrer le Roi en personne ne fuirait jamais devant une telle opportunité. Les nombreux soupçons du Roi quant à de probables groupes de dissidents l’avaient rendu bien moins accessible qu’auparavant.

‘Ce serait vraiment un grand plaisir, monsieur, mais il se fait tard et je ne voudrais pas être un poids pour la cour…

- Soit. Alors je vous raccompagne à la sortie et, s’il pleut toujours, je serai votre hôte. Cela vous va-t-il ?’

Roshynn sentait les mâchoire d’un piège se refermer sur lui, mais il ne pouvait pas refuser sans risquer d’attiser le doute en son interlocuteur. Parant son visage d’un sourire feint, il hocha la tête.

Il ne lui restait plus qu’à espérer une accalmie à l’extérieur.

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