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16 juillet 2008 3 16 /07 /juillet /2008 03:35

Dame Lys s’apprêtait à en découdre verbalement avec l’homme qui partageait sa vie, quand son corps fut parcouru par une brève vibration. Le bijou qu’elle portait à sa hanche en guise de décoration la rappelait à l’ordre. Elle se dirigea aussitôt vers sa chambre, laissant Yggturah à ses pensées.

Arrivée dans la pièce, elle ferma la porte derrière elle, puis ouvrit un des tiroirs de sa commode dorée. Passant son index dans un petit anneau accroché sous le bois surplombant le tiroir, elle tira un coup sec vers le bas et déboîta une petite planche de laquelle glissa une bourse de velours pourpre.

Par réflexe, elle jeta un regard autour d’elle, puis ouvrit la bourse et en sortit un poudrier en or. Lorsqu’elle appuya sur l’excroissance métallique qui ornait le gond du poudrier, le couvercle se souleva et l’image d’un homme apparut magiquement sur le miroir.

‘Désolé de vous importuner, Ma Dame, mais j’ai une information capitale à partager avec vous. Le petit voleur est entré dans le palais avant que la pluie ne tombe et y est à présent retenu par Do’Endor. Il semblerait qu’il s’apprête à le présenter à Carien. Si vous désirez une intervention de notre part…

- Non, pas pour l’instant. Le hasard peut bien faire les choses. Débarquer là-bas confirmera les doutes de Carien. Et si Roshynn reste entre ses mains malgré tout, nous sommes perdus.

- A vos ordres, Ma Dame. Mais nous restons prêts à agir. Au revoir.

- Au revoir.’

 

Roshynn et son hôte entrèrent dans une vaste salle richement décorée. Un gigantesque tapis rouge s’étalait de la porte d’entrée jusqu’au trône en or massif qui lui faisait face, des dizaines de mètres plus loin. De-ci de-là de larges piliers de marbre blanc soutenaient des voûtes qui pointaient à perte de vue, des tentures rouges et or pendaient sur les murs et de massives mosaïques d’opales de différentes couleurs, représentant les scènes clés de la vie de Carien, ornaient les espaces vides. Au milieu de la salle, une grande table de marbre se dressait, décorée par de multiples chandeliers et une maquette de Cariena, protégée par ses Fondations. C’était la première fois que Roshynn pouvait voir à quoi ressemblait sa ville natale depuis l’extérieur. Arrivés à hauteur de la reproduction, son accompagnateur l’abandonna pour se diriger vers une sorte de barrière magique, dont la texture ressemblait étrangement à celle des Serres, placée derrière le trône. Roshynn en profita pour observer la maquette.

Cette dernière était tellement bien réalisée, qu’il lui sembla plusieurs fois en voir les personnages s’animer. Mais elle lui permit surtout de voir sa cité sous un angle différent.

Sous la maquette, en guise de sol, reposait une carte ancienne des Terres Pourpres. C’est avec l’aide de cette dernière qu’il réalisa que le cimetière actuel de Cariena était en fait les ruines de l’ancienne Cité d’Opale. Carien avait fait déplacer le cœur de la ville de cinq cent pas vers la côte, au sud-ouest, afin de l’éloigner de La Plaie, et avait laissé l’ancienne cité à l’abandon. Au nord-ouest de la nouvelle ville, il avait fait construire plus tard son Palais Royal, des années de travaux pour une bâtisse aussi faste qu’immense. Puis il fit développer des cultures diverses sur les champs séparant l’ancienne cité et le Palais, et une école derrière le cœur de Cariena, dans le prolongement de cette dernière avec feu la Cité d’Opales.

Lorsque, des années plus tard, le Fléau avait fait son apparition et commençait à asseoir son règne sur la majorité des Terres Pourpres, Carien instaura les Fondations. Il fit donc construire, à espaces réguliers autour des ruines de l’ancienne cité, de Cariena, du Palais, de l’école, et du champ de culture, de gigantesques pylônes, armatures de métal si hautes qu’elles semblaient toucher le ciel. Il en fit installer le long du chemin reliant les ruines à Cariena et délimita aussi un nouveau champ de culture, symétrique à l’ancien, par-delà ce même chemin. Une fois toutes ses Fondations installées, l’espace de la Nouvelle Cariena était arrêté. Ceci fait, devant l’incompréhension totale de ses citoyens, Carien mit en route cette machine si complexe que sont les Fondations.

Des armatures métalliques surgirent des ponts de lumière qui les joignirent les unes aux autres. Les entrelacs magiques se densifièrent suffisamment pour créer des simulacres de bulles violacées qui recouvraient chaque partie de la nouvelle cité, et qu’on surnomma plus tard ‘Serres’, par leur capacité à retenir toute chose vivante à l’intérieur, ou à l’extérieur, de chacune d’elles. Malgré les avertissements du Roi et de sa garde, certains y laissèrent leurs doigts, ou d’autres membres, alors qu’ils tentèrent de traverser les bulles comme si elles n’avaient pas existé.

Les architectes royaux décidèrent donc d’ajouter aux pieds des Serres des arbustes et des plantes en nombre suffisant pour retenir les habitants loin des bulles. Le temps passant, tout un chacun apprit qu’il ne pouvait pas s’en approcher sans risque, mais que cette création mortelle était là pour protéger les citoyens des dangers alentours et d’un Fléau si grand qu’elle en devenait la seule protection valable.

Les Carienii cohabitent à présent parfaitement avec cette étrange et mortelle bulle protectrice, au point que la cité vive maintenant en totale autarcie.

Si les rumeurs sont vraies, il ne reste des humains vivants qu’en Cariena. La propagation du virus aurait atteint voilà des années déjà les côtes des Terres Pourpres, et aurait depuis longtemps décimé les elfes de Brisecolline, dans la forêt maintenant morte de l’est, les marchands de la Baie du Croissant au nord-ouest, les humains de feue la cité rivale de Cariena, Heurtombre, située entre Cariena et la Baie du Croissant, et certainement même les géants des Monts Rochesombre, au nord. Aucun être vivant, même animal, n’a pu résister au Fléau. Seuls certains végétaux ont pu perdurer, après d’étranges mutations les rendant tous impropres à la consommation.

Même la Mine d’Opales, propriété de Cariena, et située non loin au sud-est de la ville, a été abandonnée à son triste sort. Après des années fastes où la vente d’opales, dopée par les divers travaux que les Venoziens effectuaient en s’en servant de décorations, avait amené une fortune immense à la cité, la destruction du village de forgerons lors de la Grande Bataille avait fortement diminué l’intérêt porté à ces gemmes. Les on-dits racontent même que certaines créatures monstrueuses auraient fui le Fléau en se cachant dans la mine, et que c’était la raison majeure pour laquelle Carien décida d’oublier cette dernière.

Sur la carte géante sous la maquette, Roshynn pouvait voir de grosses croix rouges sur les villes atteintes par le Fléau.

Il ne restait plus grand chose d’accessible sur les Terres Pourpres, et plus grand chose à y faire, si ce n’était rester sagement en Cariena. Non loin de la Plaine du Jour, toujours sur la carte, un rubis de bonne taille se tenait de toute sa hauteur sur un petit socle de bois, rubis que Roshynn regardait avec curiosité.

‘C’est ce que nous avons trouvé de plus ressemblant. Et il est presque à l’échelle…’

La voix venait de la droite de Roshynn, du trône, et était particulièrement différente de celle de son hôte, plus pédante, plus froide, mais aussi plus déterminée. Lorsque le jeune homme se retourna et croisa le regard de son interlocuteur, il sut tout de suite à qui il avait à faire.

Alors il posa un genou au sol, se pencha légèrement sur sa jambe pliée, puis baissa la tête en accompagnant son geste d’un ‘Votre Altesse…’

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